Entre étrennes, part du pauvre et gâteau d’épiphanie.
En Normandie, Noël ne serait pas Noël sans les Haguignettes (ou aguignettes ou reguignettes) : Petits gâteaux traditionnels normands, jadis indissociables du cycle des douze jours séparant Noël de l’Epiphanie. Les formes de ces pâtisseries en pâte feuilletée découpées à l’emporte-pièce, représentent une poule, un canard ou un lapin, Si elles côtoient les galettes des rois, les aguignettes ne doivent cependant pas leur être confondu tant par le goût la composition et la forme, ou leur origine.
Les aguignettes, seraient la déformation de l’exclamation « Au gui l’an neuf ! » issue de rites associés à la célébration du solstice d’hiver.
Cette tradition normande était réservée aux enfants et aux indigents, à la campagne comme à la ville. Elle désigne les étrennes, présents et gâteaux quémandés de maison en maison, baguette de saule et flambeau à la main, après avoir entonné cantiques de Noël et chants profanes durant les périodes liturgiques : la veille de Noël, le soir de la Saint Sylvestre et au Pâqueret, à la Chandeleur.
Ces formulettes rimées, parfois malicieuses, aux innombrables variantes, nous sont parvenues grâce à la tradition orale, étaient le plus souvent composées d’une bénédiction assortie d’une phrase ou d’un couplet destiné à fustiger les pingres qui rechigneraient à mettre la main à la poche.
Aguignette rose,
Aguignettes, ma marraine,
Donnez mé quèque chose,
Donnez mé du pain d’la crème,
Si vous m’donnez rien,
Si vous voulez rien m’donner
J’coupe la queue à vot’ chien.
Quat’fourchettes dans vot’gosier.
Aguignettes ma marraine,
Aguignettes, aguignettes,
Les rats ont maqué mon bonnet,
Coupé-mé un petit cagnon,
Il y a plus de six semaines,
Si vous n’voulez pas l’couper,
Qu’je couche avec mon capé !
Baillez-mé l’pain tout entier !
Aguignollé !
Aguignolet !
Aguignettes ma marraine
Aguignettes, aguignettes,
J’vous ai vu par la verreine,
J’ai des miettes dans ma pouquette,
Vous faisiez un biau gateau,
Pour donner à vos poulettes,
Donnez m’en un petit morceau !
Pour qu’elles pondent de gros oeufs,
Aguignolo !
La maîtresse donnait m’en deux.
Aguignoleu !
Gare alors aux fesse-mathieux qui rechignaient à mettre la main à la poche : cette chanson devait convaincre les récalcitrants :
Haguignettes, haguignettes
Coupez mei un p’tit quignon
Si vous n’voulez point l’couper
Baillez mei l’pain entier
Haguignettes, ma marraine
Les rats ont mangé mon bonnet
Il y a p’us d’six semaines
Que j’couche sans mon capet
Haguignolet
Si vous n’voulez rein donner
À vot’porte j’allons pisser
Haguignettes, ma marraine
Donnez mei du pain, d’la crème
Si vous n’voulez pas m’en donner
Quat’ fourquettes dans vot’ gosier
Haguignolo
Si les tournées de quêtes sont aujourd’hui révolues, ces petits personnages, dorés et croustillants, aux yeux en raisins secs, sont encore proposés par les boulangers (et particulièrement en pays de Caux et Rouen). Entendrons-nous à nouveau s’élever ce refrain dans les rues de Rouen, Caen, Dieppe ou Cherbourg ?
Aguignette à Tartelette
J’ai des miettes dans ma pouquette
Pour donner à vos poulettes
Pour qu’elles pondent de gros œufs
Si vous les cassez, vous retournerez au poulailler
Aguignolé !
à voir aussi ce reportage de l’INA « Noël à Rouen – 1968″ : https://www.ina.fr/video/CAF93052992
Par Richard Plumet
On les trouve dans les boulangeries rouennaises de Noël à l’épiphanie et il ne faut pas les confondre avec les galettes de Rois
Lapin ou canard, elles ont la forme de petits animaux en pâte feuilletée (fourrée ou non) avec une sorte de raisin noir (ou un morceau de chocolat) en guise d’œil. C’est une coutume normande (et plutôt cauchoise) très ancienne qui s’est perdue au fil du temps, sauf chez les boulangers de Rouen et de son agglomération.
A l’origine, il s’agissait des étrennes des apprentis qui, avec les chutes de découpe de pâte feuilletée (des galettes et des entrées salées) fabriquaient de petits personnages qu’ils allaient proposer (avec une chanson dédiée) aux passants rencontrés dans la rue…