Les traits de caractères ont parfois la vie dure ! ………… Pierre Dac fait l’honneur de parler des Normands dans son premier numéro de L’Os Libre, héritier de l’Os à moëlle après-guerre, dans la rubrique « Os rompus » :
L’Os Libre
N°l -Jeudi 11 octobre 1945
Troubles en Normandie
Malgré les menaces de suspension au crochet d’en haut qui lui ont été faites pour le cas où il se laisserait aller à dire des choses qui ne sont pas à dire, L’Os libre ne peut passer sous silence les graves événements dont une des plus riches provinces du royaume est actuellement le théâtre.
Il serait puéril et même enfantin de vouloir le dissimuler, la Normandie est depuis quelque temps en proie à une irritation assez voisine du mécontentement et qui, si l’on n’y portait guère remède, pourrait bien aller un, de ces jours jusqu’à la contrariété !
Durant un bref séjour en ces régions troublées, notre envoyé spécial a pu enregistrer à la veille des élections maints témoignages de l’exaspération populaire : isoloirs transformés en lavatories, urnes mises hors d’usage par détérioration du double fond, affiches décollées, puis recollées la tête en bas, ce qui oblige ceux qui veulent les lire à de dangereuses acrobaties, etc., etc…
Ni oui, ni non!
La cause première de cette agitation réside dans les termes du référendum organisé par le gouvernement afin d’égayer tant soit peu le début de notre saison automnale. On sait que ce référendum comporte deux questions, auxquelles l’électeur est tenu de répondre par oui ou par non. Comme il fallait s’y attendre, les Normands ont vu dans cette exigence une atteinte inacceptable à leurs traditions les plus sacrées.
- Nous ne répondrons ni oui, ni non ! s’écrient-ils. Il y en a même qui ajoutent « na ! ».
Une formule transactionnelle
Mis en présence de ces faits, le Conseil des ministres s’est immédiatement réuni, dans l’arrière-salle du petit bistrot où il vient habituellement chercher refuge contre la curiosité des journalistes. Après délibération, diverses formules transactionnelles ont été envisagées.
Finalement le Conseil a décidé d’introduire dans le texte législatif un vocal susceptible d’en atténuer la rigueur. Par exception, les électeurs normands auront donc le droit de faire précéder leur « oui » ou leur « non » du mot « ptêtben ».
extrait de « Drôle de Guerre » / Editions Omnibus – Page 173
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